Cherchez l'erreur
Cherchez l’erreur (ou les erreurs…)
Avant-propos.
Les faits rapportés dans cet article sont rigoureusement authentiques.
Information pour les non plongeurs qui liraient cet article.
Suivant les tables utilisées à l’époque où ces faits ont eu lieu, il était permis de rester 25 minutes au maximum à –35 mètres sans devoir effectuer de palier à la remontée, et 10 minutes à – 40 mètres. En cas de remontée trop rapide, le plongeur doit endéans les 3 minutes redescendre à la demi profondeur, il doit y rester 5 minutes et faire des paliers correspondant à la durée totale de la plongée et à la profondeur maximale atteinte. Le temps de plongée comprenant la première descente, la remontée, le temps passé en surface et le temps de la deuxième descente.
Venons en aux faits
Juillet 1984. Quiberon.
Après avoir effectué quelques balades sous-marines en partant du bord, je décide de plonger avec un club bien connu de la région : le club de Guy R. Je tairai son nom, par discrétion, mais les vieux plongeurs qui ont fréquenté les lieux sauront de qui je parle.
Le bateau de plongée est un ancien (très ancien) bateau de pêche. Les plongées ont lieu essentiellement sur les épaves telles que le France ou la Teignouse. Elles sont légion dans ce coin.
Lors de l’inscription au club, première surprise : le bateau démarre à heure fixe au début de l’après-midi, sans tenir compte de la marée. Or il faut savoir que les sites se trouvent souvent dans des passes assez étroites où le courant se montre très violent. Si le bateau dispose d’une bonne annexe tel qu’un Zodiac avec un moteur assez puissant, c’est inconfortable mais les plongeurs déportés par le courant peuvent être récupérés par le Zodiac et ramenés à bord.
Ceci nous amène à la deuxième surprise : l’annexe remorquée est un minuscule pneumatique presque totalement dégonflé et propulsé par un moteur qui conviendrait parfaitement pour mixer de la soupe dans une grande cuisine mais qui, l’expérience nous le prouvera, se révèlera totalement insuffisant pour remonter le courant de marée.
Embarquement au port de Quiberon.
Très vite, on s’aperçoit qu’il y a 2 clans à bord : les « locaux » qui se tiennent à l’avant et les « touristes » qui sont priés de rester à l’arrière. Les deux groupes ne se mélangent pas. Ambiance très militaire : « Mets ton sac là… ! ». Aucun endroit abrité pour les touristes.
La rafiot se traîne lamentablement et arrive enfin sur le lieu de plongée.
Au moment de m’équiper, je veux mettre mes « précieuses » lunettes à l’abri dans la timonerie. Je me fais rapidement rabrouer : « Ce n’est pas une poubelle ici. Si tout le monde vient y déposer ses affaires…. ».
Le club en est à sa deuxième sortie de la journée, le matin étant strictement réservé aux initiés.
La première plongée a eu lieu sur une épave où ils sont allés préparer la récupération de vieux métaux : tuyaux en cuivre, en plomb, etc…
On revient cette après-midi au même endroit pour hisser le butin de la matinée à bord.
L’heure ne correspond pas du tout à l’étale et le courant est très fort.
Un plongeur « du matin »(nous l’appellerons Paul, pour simplifier la suite du récit) saute à l’eau parmi les premiers et descend à plus ou moins 38 mètres pour rechercher ce qu’il a préparé auparavant et le remonter au parachute. Je ne saurais dire combien de minutes s’écoulent avant qu’il ne retrouve ses tuyaux, les amarre et les accompagne au cours de la remontée mais tout le monde a eu le temps de plonger et se trouve déjà à bord avant qu’il ne fasse surface avec son parachute lesté de mitraille.
Le courant l’a déporté assez loin du bateau qui est à l’ancre. Il demande de l’aide pour le ramener. Deux personnes montent donc à bord du « Zodiac » . Deux personnes, car l’une pilote et l’autre tient le tuyau d’air d’une bouteille ouverte sur la valve de gonflage du pneumatique car celui-ci se dégonfle plus vite qu’il ne se remplit.
Le « Zodiac » accroche le parachute lesté et remorque le tout vers le bateau. Le retour est pénible car le moteur peine contre le courant. Paul accompagne dans l’eau. Arrivé au bateau de plongée, Paul passe un filin autour des tuyaux qu’il a récupérés, et remonte à bord. Le moteur du bateau est embrayé sur le treuil et on remonte à bord, difficilement, à l’aide du mât de charge, la précieuse cargaison. L’opération prend un bon bout de temps.
Quand, enfin, la mitraille repose en sécurité sur le pont arrière, alors que les sacs des « touristes » ont été repoussés sans ménagement pour faire de la place, je vois Paul se préparer à sauter à l’eau à nouveau et lui demande naïvement : « Que vas-tu faire ? »
La réponse fuse : « Ben, je vais faire mes paliers, tiens… ! »
Incroyable mais vrai. Il a donc fait 2 plongées à plus de 35 mètres, avec un intervalle de 3 heures environ. Il a travaillé au cours de la première descente pour dégager, couper, arracher de vieux tuyaux. Il est remonté trop rapidement dans l’après-midi et il s’est écoulé au moins une demi-heure avant qu’il ne s’immerge à nouveau pour faire des paliers. J’ajouterai, pour faire bonne mesure, que le physique de Paul s’apparente plus à celui d’Obelix qu’à la silhouette d’Astérix.
L’aventure s’est terminée au caisson, me direz-vous ? Et bien, non, pas du tout…
Exemple à ne pas suivre…..
Michel Welters